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Cécile Comina, une citoyenne du monde aspirant à davantage de justice sociale

27.07.2020

Cécile Comina (à droite)


Portrait de membre du comité

Utilité Publique Vaud vous invite à faire connaissance avec les membres de son comité, dans le cadre d’une série d’interviews exclusives dont voici le premier volet. Nous partons aujourd’hui à la rencontre de Cécile Comina, membre du comité d’Utilité Publique Vaud depuis 2014 et directrice de l’association CROEPI (Comité Romand d'Orientation et d'Education Professionnelle des Invalides), fondée à Lausanne en 1939. Bonne lecture !

Que faut-il savoir sur votre association CROEPI ? Quel rôle d’utilité publique joue-t-elle ?

Le CROEPI propose des lieux d’accueil et des ateliers à vocation sociabilisante destinés à des personnes souffrant d’une maladie psychique chronique. Depuis une vingtaine d’années, cette tranche de la population rencontre des difficultés de plus en plus importantes à s’intégrer dans le monde du travail, dont le degré d’exigence ne cesse de s’élever. Les bénéficiaires de notre association sont donc invités à confectionner, contre rémunération, des produits artisanaux qui sont ensuite écoulés tout au long de l’année dans notre boutique sociale « La Lausenette » et lors d’un traditionnel marché de Noël à Lausanne. En vendant leurs créations, nous valorisons le travail qu’ils réalisent. Les sentiments d’appartenance et d’accomplissement sont ainsi renforcés.

Comment êtes-vous arrivée au sein de cette association et quel rôle y exercez-vous ?

C’est en septembre 2013 que j’ai repris la direction du CROEPI. Titulaire d’une licence ès sciences sociales et pédagogiques obtenue en 1987, et d’un diplôme de secrétaire de direction, j’avais alors déjà près de 25 ans d’expérience dans de multiples domaines de l’action sociale, notamment en psychiatrie et psychogériatrie. Dès mon arrivée, mon rôle a été de mieux faire connaître le CROEPI et sa mission, à laquelle j’adhérais entièrement, dans le réseau psychiatrique. J’ai coutume de dire que si j’avais pu créer ma propre association, c’est précisément celle-ci que j’aurais mis sur pied. Elle répond en effet aux besoins des personnes que j’ai accompagnées tout au long de ma carrière.

Quel est le principal défi auquel vous avez été confrontée jusqu’ici ?

Le défi majeur d’une association telle que la nôtre est de parvenir à combiner un comité impliqué, une direction de proximité, une équipe expérimentée, ainsi que le soutien du réseau professionnel et de la population concernée. Quand j’ai repris la direction, nous vivions presque pour moitié de dons privés. Nous recevions une subvention fédérale et une petite subvention cantonale et communale. Aujourd’hui, avec près de 250 membres, 5'000 donateurs potentiels et une dizaine de fondations qui soutiennent financièrement notre mission, nous assurons un tiers du budget de près CHF 950’000. Les subventions fédérales et cantonales permettent d’assurer les deux tiers restants. La professionnalisation des collaborateur·rice·s, l’offre d’accueil dans des locaux plus grands et mieux aménagés, ainsi qu’une meilleure communication sur nos prestations ont permis d’obtenir, avec le temps, une plus forte reconnaissance du réseau social vaudois et des partenaires subventionneurs. Les subsides cantonaux accordés au CROEPI ont ainsi plus que doublé en sept ans.

Quelle relation entretenez-vous avec les bénéficiaires ?

Outre mon poste de directrice, je suis toujours assistante sociale. J’ai donc une double casquette et je continue à accomplir mon travail social dans l’association à un taux d’environ 40%. Cela a l’avantage de me maintenir en contact étroit avec les bénéficiaires. Je pense avoir contribué à instaurer un climat de confiance avec eux·elles et à consolider la bonne réputation de l’association. Les collaborateur·rice·s expérimenté·e·s et engagé·e·s sont également les garant·e·s de la qualité de nos prestations.

Comment avez-vous rejoint le comité d’Utilité Publique Vaud et que cela représente-t-il pour vous ?

L’ancienne directrice du CROEPI était déjà membre du comité d’Utilité Publique Vaud depuis des années. C’est elle qui m’a proposée au comité en 2014. Quand j’y suis entrée, je me suis rendu compte qu’une réorganisation était nécessaire. Grâce au dynamisme du président et du comité actuels, une structure plus solide a pris forme et de nouvelles prestations ont été développées. Cela nous permet de représenter plus efficacement nos membres. Nous sommes sur la bonne voie !

Pourquoi pensez-vous qu’il est important de s’engager dans le travail social ?

Comment peut-on encore négliger les bienfaits de l’action sociale, ai-je envie de répondre. Tous les êtres humains ont besoin d’une société qui les intègre pleinement dans ses activités politique et économique. Ce n’est malheureusement pas le cas et cela explique certaines aberrations actuelles, comme le fait que 1% de la population mondiale détienne davantage de richesses que les 99% restants. Placer l’argent au cœur de la vie politique amène des dérives humaines terribles car les inégalités et l’injustice s’institutionnalisent, et sont alors perçues comme légitimes.

L’action sociale, qui défend l’équité et le respect des droits humains, est dès lors reléguée au second plan. Chacun de nous, à l’école déjà, devrait à mon sens avoir l’opportunité de réfléchir à cette notion de justice sociale. Cela permettrait de déterminer quel monde nous voulons, et comment nous désirons vivre nos relations avec les autres. Ces réflexions sont toutefois le fait d’une minorité et c’est bien dommage.

Quelles perspectives voyez-vous en termes d’innovation sociale, en particulier sur terre vaudoise ?

L’innovation sociale tire selon moi davantage parti des circonstances et conjonctures, difficiles à prévoir, que d’une planification stricte comme dans l’industrie. Dans le social, il faut profiter des crises pour faire changer les choses. En attendant, on peut tout de même avoir des idées…

L’introduction d’un revenu minimum pour tous serait par exemple une belle innovation à mes yeux. Les activités de la vie quotidienne devraient jouir d’une véritable reconnaissance, au même titre que le travail salarié. Valoriser l’entraide mutuelle, le fait de cuisiner, de garder des enfants, ou encore d’effectuer les tâches ménagères représenterait à ce titre un réel progrès social. Pour les personnes à l’AI, notamment, ce revenu inconditionnel serait aussi déstigmatisant.

Transformer radicalement les établissements pour personnes âgées en habitations communautaires où les générations se côtoient constituerait également selon moi un projet innovant, qui se discute de plus en plus. Cela éviterait le cloisonnement de nos aînés.

Comment envisagez-vous la suite de votre carrière ? Avez-vous l’intention de vous investir dans de nouveaux projets sociaux ?

Je vais bientôt partir à la retraite… et même si possible anticipée : place aux jeunes ! Cependant, ma vie professionnelle et ma vie privée ont en commun ma passion pour le relationnel. Même retraitée, je sais donc que j’accomplirai mon devoir de citoyenne du monde et apporterai chaque fois que je le peux une contribution pour qu’il y ait moins d’injustice sociale.

Bien sûr, je prépare aussi l’avenir de mon association. Je tiens à la remettre entre les mains d’une personne engagée, qui puisse continuer à offrir une alternative, un espoir aux personnes fragilisées dans leur santé psychique.